Proposition de loi constitutionnelle visant à faire de l’accès à l’eau un droit inaliénable : Adrien MORENAS dit non à "La France Insoumise".
J'ai répondu aujourd'hui à la tribune en hémicycle à l'Assemblée nationale au Député Bastien LACHAUD du Groupe parlementaire "La France Insoumise".
Retrouvez ci-dessous l'intégralité de mon intervention en séance publique
" Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Nous sommes, bien évidemment, tous favorables à l’accès de tous à la ressource en eau.
Cette idée est généreuse et nul ne peut contester le principe qui l’anime, et que je partage.
Néanmoins, la proposition dont il est question aujourd’hui va beaucoup plus loin et comporte une innovation constitutionnelle majeure.
En effet, aucun article de la Constitution actuellement ne nous dit comment doit être géré un service public car cela relève de la loi au sens de l’article 34 de ladite Constitution.
Or, s’agissant de l’eau, la proposition dont nous discutons aujourd’hui impose le recours à la régie qui est, je le rappelle à titre informatif, en vigueur sur une partie du territoire.
Aujourd’hui, rien dans la loi n’interdit à une collectivité locale d’offrir un certain volume d’eau à sa population.
Mais n’oublions pas chers collègues que selon le principe de responsabilité elle devra le financer par l’impôt.
Alors je souhaite poser une simple question : faut-il faire des lois bavardes et les intégrer dans le bloc de constitutionnalité ?
Ma réponse est non car la proposition dont nous traitons en ce moment même est inutile.
Cette proposition est inutile car le droit à l’eau est d’ores et déjà affirmé par des conventions internationales, ratifiées par la France et donc d’une valeur hiérarchique supérieure à celle de notre constitution.
C’est ainsi que, le 28 juillet 2010, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution intitulée « Le droit de l’homme à l’eau et à l’assainissement » dans laquelle elle constate l’importance que revêt l’accès équitable à l’eau potable et l’assainissement, faisant de cet accès une partie intégrante de la réalisation de tous les droits humains.
Le 1er janvier 2016, les 17 objectifs de développement durable du Programme de développement durable à l’horizon 2030 – adopté par les dirigeants du monde en septembre 2015 lors d’un Sommet des Nations Unies – sont entrés en vigueur. L’objectif 6 de cet ensemble vise à garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau.
Je pourrais encore multiplier les exemples, mais c’est un fait incontestable : le droit à l’eau fait partie des droits internationalement reconnus et l’ensemble de la législation française doit respecter ces droits indépendamment d’éventuelles prescriptions constitutionnelles dont ils se passent très bien.
Il en va de même au regard du droit européen : pour ne citer que les principaux textes prenons la directive 2000/60/CE du Parlement et du Conseil établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau. Elle a été adoptée le 23 octobre 2000 et pose dans son article 1er ce droit fondamental à l’eau.
Il est vrai, je le concède, que ces textes européens ne reprennent pas la solution adoptée par la Slovénie qui est devenue le premier pays de l'Union européenne à inscrire dans sa Constitution le droit à une eau potable non privatisée en novembre 2016.
Ce texte constitutionnel stipule notamment que : « L'approvisionnement en eau de la population est assuré par l'Etat via les collectivités locales, directement et de façon non-lucrative. Les ressources en eau sont un bien public géré par l'Etat. Elles sont destinées en premier lieu à assurer l'approvisionnement durable en eau potable de la population, et ne sont à ce titre pas une marchandise ».
C’est cette disposition concrètement qu’il nous est demandé de reprendre dans cet hémicycle aujourd’hui en diabolisant le recours à la gestion privée perçue comme intrinsèquement mauvaise.
Je crains que sur ce point de vue précisément nous ne tombions dans le dogmatisme et, pour vous le démontrer, je ne vous donnerai qu’un seul exemple où, dans le cadre de la mission d’information parlementaire sur la ressource en eau que je préside et dont je serai co-rapporteur, je vais me rendre en Irlande où la population jouit de la gratuité de l’eau bien que le réseau soit en grande partie gérée par une entreprise privée, filiale d’un grand groupe français or, le droit à l’eau y est assuré parfaitement.
Ce seul exemple illustre parfaitement le principal reproche qui peut être fait à cette proposition soit : mélanger la question du coût de l’eau pour le consommateur, qui doit être le plus bas possible, et la question du mode de gestion qui est totalement indépendante du prix facturé.
Pour revenir à la France, la mise en œuvre du principe d’accès à l’eau pour tous est assuré par plusieurs textes, qu’il convient sans doute d’améliorer, et ma mission fera des propositions en ce sens qui ne relèvent absolument pas du niveau constitutionnel.
Je vous remercie. "